
Je suis Arménien.
Pardon : il paraît qu’il faut que je dise que je suis Français d’origine Arménienne.
C’est complètement con.
Mon côté arménien, je le sens en moi à 100%, même si je suis Français avant tout.
Ma patrie, c’est la France.
Mais je suis Arménien.
Même si je suis aussi Italien et Espagnol par ma mère, je suis Arménien.
Mais pour combien de temps encore ?
Je pose la question car si je peux me permettre de dire « Je suis Arménien« , c’est parce que l’Arménie est un pays où mon histoire prend racine.
Hors ce pays est désormais attaqué ouvertement dans sa souveraineté.
Le 13 Septembre 2022, l’Azerbaïdjan a attaqué l’Arménie sur son territoire, violant ainsi les règles du droit international et faisant quelques 200 morts côté arménien. Epaulé militairement par son partenaire Turc, les Azéris occupent donc désormais le sud de l’Arménie.
Une partie de l’Arménie n’est donc plus complètement Arménienne.
Je suis Arménien. Pour l’instant.
Je dis « Pour l’instant« , car si ce pays disparaît un jour, géographiquement et culturellement, parce qu’il aura été avalé, morceau après morceau, par le panturquisme de vous savez qui, pourrais-je encore me revendiquer Arménien ?
Que serais-je si l’Arménie disparaît et n’est plus qu’un souvenir ?
Je deviendrais quoi ? Celui qui disait qu’il était Arménien ?
Je ne serais plus un descendant de survivants du génocide arménien ? Le génocide arménien aurait-il lui-aussi disparu ?
Les Arméniens du monde entier deviendraient alors des menteurs, des affabulateurs, des gens séniles parlant d’un génocide lié à un pays qui n’existe plus. Nous avancerions vers l’avenir sans ne plus pouvoir nous référer sur une carte à l’endroit d’où nous venons.
Après quelques temps, l’agresseur se risquerait sûrement à poser la question : « L‘Arménie a-t-elle même vraiment existé en tant que nation ? A l’origine, ce n’était qu’une province…etc« .
Ironie s’il en est, je ne pourrais même plus dire « Je suis Français d’origine Arménienne » expression que je déteste, mais qui, pour le coup, me manquerait cruellement.
Je ne suis pas un militant et je n’ai jamais été impliqué dans une vie sociale arménienne.
Pourtant, une part de moi réside en Arménie, même si je n’y suis jamais allé. J’ai toujours vécu avec l’idée qu’un jour j’irai au pays, pour voir, pour sentir, pour ressentir, pour me sentir enfin complet.
Parce que je sais que là-bas, c’est aussi un peu chez moi.
Mais aujourd’hui…
Je ne veux pas que mon pays disparaisse.
Je ne veux pas que notre histoire disparaisse.
Si vous lisez ces lignes, que vous soyez Breton, Tunisien, Italien, Allemand, Sicilien, Anglais ou… Ouïghour, imaginez que l’on vous dise un jour que les terres de vos ancêtres n’existent plus. Que tous les signes religieux et culturels ont été éliminés et que les manuels d’histoire ne font même plus référence à ce que fût votre peuple.
En gros, l’on vous dit que vous n’êtes plus complètement ce que vous êtes !
Que ressentiriez-vous ?
La colère ? Le sentiment d’injustice ?
Oui. Mais plus encore : la peur.
Vous ressentiriez la peur que ressentent actuellement les Arméniens du monde entier.
Pas la peur de mourir : la peur de disparaître, définitivement et une bonne fois pour toutes.
La peur de ne plus être qu’un vague souvenir.
A l’heure où l’expansionnisme et les grandes conquêtes semblent être de retour, nous sommes tous l’Arménien de quelqu’un.
Au début du 20ème siècle, le génocide Arménien a servi d’exemple à Adolf Hitler qui s’est dit que si c’était passé une fois avec l’Arménie, et que l’Europe n’avait pas bronché, il pouvait recommencer.
Si des pays tels que l’Ukraine ou l’Arménie se font annexer, grignoter ou envahir ainsi, ne risquent-ils pas de servir d’exemple ?
Alors que j’arrive à la fin de ce billet, je réalise que je n’ai rien à proposer concrètement.
Je me suis toujours trouvé tout un tas d’excuses pour ne pas prendre position. Et comme tout le monde fait cela, les choses se font, tranquillement, dans l’indifférence.
Je ne juge personne, nous sommes libres de nos choix.
Mais, voyez-vous, ce billet, j’ai pu l’écrire grâce à mon vécu, mon histoire, mes racines et parce que je peux dire « Je suis Arménien« .
Si une jour l’Arménie disparaissait, je deviendrais alors « celui qui disait qu’il était Arménien ».
Vous deviendriez alors « La personne qui croyait ce que disait celui qui disait qu’il était Arménien !«
Et nous ne voulons pas cela, non ?
#StandwithArmenia